Les mesures de protection
1. Le gardiennage
Le retour du loup dans les zones d’élevage ovin extensif a remis en question les pratiques pastorales. Le regroupement nocturne quotidien du troupeau et la modification de sa conduite, la mise en place et l’entretien des parcs de nuit, le nourrissage des chiens de protection ainsi que la recherche des victimes d’attaques de loup, représentent une charge de travail supplémentaire qui peut être financée dans les secteurs où la prédation lupine est établie (communes des cercles 0 et 1) - embauche d’un berger ou d’un aide - berger, ou bien gardiennage par l’éleveur lui-même.
En ce qui concerne l’embauche, le financement peut couvrir jusqu’à 80 % de la dépense engagée, dans la limite d’un plafond journalier et de plafonds globaux calculés en fonction de la catégorie de taille du troupeau et de la durée de la saison de pâturage. Le berger ou l’aide-berger peut remplir plusieurs tâches qui ont toutes pour objectif de compenser l’augmentation de la charge de travail due au retour du loup. Ces missions peuvent être :
- le déplacement des parcs de regroupement nocturne ;
- le changement de quartier de pâturage et le transport du matériel ;
- l’alimentation et les soins du ou des chiens de protection ;
- la participation à la recherche des bêtes tuées, blessées ou égarées.
L’embauche d’un berger ou d’un aide-berger est souvent limitée par les capacités d’hébergement sur l’alpage. Par exemple, dans les Alpes, l’absence des prédateurs naturels pendant près d’une centaine d’années et l’augmentation du coût de la main-d’œuvre ont provoqué une extensification de l’élevage et l’abandon de cabanes de berger. Dans les secteurs n’ayant jamais abandonné le gardiennage en alpage, des programmes de soutien de cette pratique existent depuis de nombreuses années, passant notamment par la restauration et la construction de cabanes décentes. Ces efforts doivent être poursuivis.
2. Les chiens de protections
Utilisé en France jusqu’à la fin du XIXème siècle, le chien de protection a peu à peu disparu de nos campagnes avec la raréfaction des grands prédateurs. Avec le retour du loup dans les Alpes françaises, et la présence de l’ours dans les Pyrénées, de plus en plus d’éleveurs se sont équipés de chiens pour protéger leurs troupeaux. L’intégration de ce type de chiens nécessite une réelle technique de mise en place et d’éducation, le chiot devant idéalement être introduit dans le troupeau entre 2 et 4 moins afin de qu’il s’y attache.
Le chien de protection a pour fonction de dissuader tout intrus de s’approcher du troupeau, il est le plus adapté face à un prédateur comme le loup, ancêtre du chien : il dispose comme lui de bonnes aptitudes physiques (corpulence, endurance, résistance, flair, ouïe, vision nocturne…) et mentales (courage…). D’ailleurs, il protège également le troupeau contre d’autres prédateurs tels le lynx, l’ours, les renards et les chiens divagants, ou contre le vol.
Contrairement au chien de conduite qui obéit à son berger, le chien de protection travaille en totale autonomie et ses qualités propres (attachement au troupeau, capacité de dissuasion, sociabilité à l’homme) sont recherchées par sélection génétique, puis développées par éducation. Ce n’est ni un chien de conduite, ni un chien de compagnie et encore moins un chien d’attaque.
La principale race utilisée dans les Alpes françaises est le Montagne des Pyrénées, couramment appelé patou, mais d’autres races sont utilisées, notamment le Maremme Abruzze, mais aussi le Berger d’Anatolie, le Berger du Caucase, le Dogue du Tibet… Des études semblent montrer que le montagne des Pyrénées est une des races les mieux adaptées aux zones à forte fréquentation touristique. Le nombre optimal de chiens par tête de bétail dépend de plusieurs paramètres : exposition à la prédation, qualité des chiens, race des brebis, configuration de l’unité pastorale, type de ressources fourragère… Toutefois, même pour les petits troupeaux, l’efficacité est renforcée par la présence simultanée de deux chiens.
Pour bien comprendre comment introduire un chien de protection dans le troupeau, retrouvez l’expérience de Rasco !
L’acquisition, la stérilisation et l’entretien (nourriture) des chiens de protection peuvent être financés à 80% dans la limite de certains plafonds, sur quasiment tout le territoire national maintenant. Pour l’éleveur, cela nécessite toutefois une attention particulière :
- lors de la mise en place et de l’éducation d’un chiot dans un troupeau, les erreurs et les défauts de comportement doivent être rapidement corrigés (chien fidèle au troupeau, ne blessant pas les animaux domestiques mais les défendant, ne recherchant pas la compagnie de l’homme) ;
- les chiens doivent être nourris quotidiennement, à raison d’un kg de croquette par chien et par jour ; ceci est particulièrement contraignant pour les alpages non accessibles par des pistes carrossables. Il faut en effet nourrir les chiens tous les jours afin d’éviter qu’ils développent à terme des comportements de chasse sur la faune sauvage, voire domestique, ou qu’ils quittent le troupeau ;
- le suivi sanitaire des chiens doit également être assuré.
3. Les clôtures
Tous les matériels nécessaires à l’électrification des parcs peuvent être financés à 80% dans la limite de certains plafonds, pour les éleveurs de communes en cercle 0, 1 et 2.
Renforcement des parcs de pâturage
Les parcs de pâturage sont matérialisés par des grillages (type "ursus") d’un mètre de hauteur en moyenne, ou parfois par des fils barbelés, permettant de gérer les lots d’animaux et de valoriser au mieux les surfaces herbagères ; on les retrouve très généralement dans les secteurs de plaine, hors estives, et dans certains secteurs le grillage peut alterner avec des haies (bocages) qui font aussi fonction de barrière pour les troupeaux.
En estives, ils peuvent être employés pour augmenter la durée de pâturage lorsque la météo est trop chaude (nécessité de pâturer aussi le soir) ou lorsque les conditions météorologiques sont défavorables (brouillard, pluie…) et propices à la prédation par le loup. Dans ces cas, ces parcs permettent à l’éleveur de regrouper et protéger son troupeau, même en journée, dans un espace suffisamment grand pour qu’il continue de pâturer.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour créer ou renforcer ces parcs et leur permettre également une fonction de barrière protectrice face aux intrusions des prédateurs :
- les haies peuvent être doublées d’un grillage mobile électrifié,
- les clôtures existantes peuvent être complétées par deux fils électrifiés (un en haut, un en bas).
- dans le cas de création de nouveaux parcs de pâturage, il est possible de prévoir de poser sur les poteaux bois (clôture pérenne) ou plastique (clôture mobile) 4 à 5 fils électrifiés.
Création de parcs de regroupement nocturne
Un parc de regroupement est une clôture légère électrifiée destinée à empêcher le contact entre le prédateur et le troupeau et faciliter la surveillance de ce dernier, ainsi que sa protection par les chiens. C’est une des premières mesures applicables en cas d’urgence.
Le choix du matériel et de son emplacement nécessite une réflexion préalable de l’éleveur ou du berger quant à son intégration dans le système pastoral : les contraintes du milieu (relief, état de la végétation…), l’aménagement et la gestion de l’alpage ainsi que la conduite du troupeau doivent être pris en compte.
Ces parcs sont mobiles ou semi-mobiles, composés de filets ou de fils, sur piquets plastiques ou fibres de verre, alimentés par un ou plusieurs électrificateurs solaires. Une attention particulière doit être portée sur l’électrification. La caractéristique principale de ce matériel est sa fonctionnalité : légèreté, facilité d’utilisation et capacité d’adaptation aux contraintes et aux besoins.
Le parc de regroupement nocturne doit être suffisamment grand pour permettre aux animaux de se déplacer à l’intérieur sans forcer le parc en cas de stress dû à la présence d’un prédateur. Une surface de 2 m² par animal est souvent retenue. Les parcs ont plusieurs atouts :
- ils créent un obstacle qui diminue les risques de rencontre avec le prédateur (perturbation des conditions de prédation) ;
- ils évitent la dispersion du troupeau ;
- ils facilitent le travail des chiens de protection ;
- ils permettent l’intervention rapide du berger en cas d’alerte quand ils sont à proximité de la cabane ;
- ils diminuent les risques de dérochement.